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Retour sur The Hidden Mother – Un roman exposition psychanalytique

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Exposition The Hidden Mother

Le divan du/de la psychanalyste et photos d'Agnès Geoffray

© Sinziana Ravini 


Atelier Rouart, Paris, 12 octobre-17 novembre 2012

 

 

Par Manuel Billi [1]

 

Art et psychanalyse : comment peut-on fabriquer une exposition en convoquant des compétences « qui ne sont pas toujours celles attendues dans la sphère du monde de l’art » [2] ? Voici la question germinale que les deux commissaires de l’exposition The Hidden Mother, Sinziana Ravini, critique d’art, et Estelle Benazet, productrice d’art vidéo et artiste, se sont posées. La réponse, résolument et inéluctablement partielle, se dénoue dans les différents espaces de l’Atelier Rouart, investi par des œuvres – de tout genre et de toute forme : de la peinture figurative à l’art conceptuel, de la vidéo à la photographie à la sculpture – à la croisée d’un questionnement sur les figures de la mère et de la femme.

 

 

 

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Photo anonyme du XIXe siècle.

Elle a "fasciné" les deux auteures de "l'exposition roman psychanalytique",

The Hidden Mother.

 

The Hidden Mother dévoile la mère dans tous ses états. La mère-mère, la mère-sexe, la mère-vierge, la mère-hystérique, la mère-origine, la mère-grossesse, la mère-naissance, la mère-absence, « la mère inconsciente, non sue, la mère à son insu, il y a la mère cachée, latente, et puis la mère non reconnue, ou inconnue, inquiétante, étrangère, ou au contraire trop familière, la mère femme, la mère infanticide, la mère qui enfante, l’enfant dans la mère, la mère morte, la mère voilée, la mère violente. » [3]Une mère qui se cache tout en s’exposant, qui trouve son abri dans et derrière l’exposition, qui est ici et maintenant et qui renvoie ailleurs : au refoulé, à une digenèse (plutôt qu’à une origine), à un monde qui ressemble à celui où nous vivons, mais qui répond à la bi-logique de l’inconscient. Rêve, cauchemar, retour à la raison.

 

A la manière d’une autopsy sauvage, les salles présentifient des images étonnantes et parfois choquantes qui paraissent surgir de l’inconscient de leurs créatrices et créateurs. L’intentionnalité est ailleurs : «l’artiste ne peut pas tout savoir sur son processus de création, c’est la discussion qui recrée le sens de l’œuvre. Elle [il s’agit d’Agnès Thurnauer] voit la peinture comme sa mère : elle produit et se laisse produire par elle. » [4]Il faut respecter le point de résistance, le « point d’énigme dans l’œuvre ». Et ces œuvres-Sphinx gardent bel et bien leur mystère. Il n’y a pas d’Oedipe susceptible de résoudre une énigme qui est à peine posée.

 

 

 

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Pièce centrale de l'atelier Rouart. Sur le mur de droite : photographies de Mary Kelly ; au centre : une série de tableaux de Bracha L. Ettinger ; sur et en dessous du mur perpendiculaire, "Mother&Child" dessin sur toile d'Agnès Thurnauer, 195x113cm, 2012 et au sol,  sa "Matrice" résine acrylique, dimensions variables, 2012. L'on aperçoit, au fond du couloir, à droite, Here d'Agnès Thurnauer. © Sinziana Ravini

 

 

 

Le mot est la chose

 

Au commencement est la parole, mais une parole qui paraît naître « de nos projections, de notre imaginaire, de nos imaginaires.» [5] En effet, l’exposition s’ouvre avec un tableau d’Agnès Thurnauer, Here, « ici ». Le mot, peint avec son reflet, à cause de la coupure des lettres, peut engendrer différentes lectures. Ici ? Père ? Mère ? L’ici et le maintenant sont déjà ailleurs, dans cet ailleurs où les mots deviennent image.

 

Encore des mots, toujours des choses. L’artiste conceptuelle Mary Kelly, dans Post-Partum Document, interroge le langage : de la mère, de l’enfant. Des chiffres, des équations. Trouver les mots pour dire l’indicible, grandir, élever.

 

Des mots pour dire l’échec du (rêve du) langage, de la communication. Dans son film, Annika Ström, artiste qui a fait de la captation constante du réel sa raison de vie (artistique), montre une mère suédoise qui essaie de dire correctement en anglais « all my dreams have come true ». Elle n’y parvient pas et une figure masculine intervient, apportant la solution…

 

Dans les photos de Sofia Ekström, le procédé « linguistique » de la photographie est questionné et thématisé. Des photos qui ne cachent pas leur mécanicité et la nature arbitraire du langage. Capter, révéler, développer, projeter. Aller en avant, reculer en arrière, comme la femme saisie dans le cliché d’Agnès Geoffray.

 

 

Agnes Geoffray - Sans titre - (Serie Incidental Gestures) 2012 (1).JPG

© Agnès Geoffray



Dans Mémoire de Jean Daviod, œuvre créée exprès pour l’exposition, l’on voit une lettre par cierge gravée ou dessinée dans la cire. Une lettre par cierge : M-E-M-O-I-R-E. Mémoire. Un mot qui ouvre une brèche dans le temps, qui évoque un « moi dans la mère » et le miroir dans lequel se reflète ce moi en quête d’origine.

 

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© Jean Daviod


La mémoire, le temps, les temps. Dans sa vidéo Matres Suspiria, Laura Gozlan fait de la mère une figure trinitaire. Ses trois mères incarnent trois temps : le début, le milieu et la fin. Trois figures, trois étapes, trois rôles et fonctions. Si la première mère, chevelue, soupire, la deuxième est voilée de noir, tandis que la troisième est en cire. Des orifices pleurant, mouillant. Du liquide spermatique qui ne génère plus. Tout a déjà été accouché, par la mère, les mères.

 

 

 

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Matres Suspiria © Laura Gozlan



Figures maternelles qui disparaissent ou n’apparaissent pas, les maisons d’enfance qui s’évanouissent, comme dans l’œuvre de Mathieu K. Abonnenc. Tout échappe, emporté par le magma des souvenirs.

 

L'atelier Rouart est au 

40, rue Paul Valérie, 

75016 Paris, 

code AB012 puis AB55



La suite de l'article de Manuel Billi demain…



[1] Manuel Billi est docteur en Arts Visuels et du Spectacle. Il est l’auteur de nombreux articles et d'essais sur l'art contemporain et sur le cinéma des minorités, dont Nient'altro da vedere. Cinema, omosessualità, differenze etniche (Rien d'autre à voir. Cinéma, homosexualités, différences ethniques), Pisa, ETS, 2011), et co-auteur de I film in tasta. Videofonino, cinema e televisione (Les films dans la poche. Téléphone portable, cinéma et télévision), Pisa, Felici Editore, 2009) et de Corps et immersion (Paris, L'Harmattan, 2012).

[2] Estelle Benazet, Sinziana Ravini, The Hidden Mother. Un roman exposition, Paris, L’Avenir Dure Longtemps / Editions Montgolfier / PCA Editions, p. 5.

[3]Ibidem, p. 60.

[4]Ibidem, p. 19

[5]Ibidem, p. 20


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